Les cancers de la vessie (carcinomes urothéliaux) sont une entité classique mais relativement peu fréquente chez le chien, et rare chez le chat.
Quelle est l’origine de ce type de cancer ?
Comme de nombreux autres cancers, une origine multifactorielle est mise en avant dans la cancérogénèse. La plupart des facteurs de risque identifiés sont environnementaux (ex : rôle préventif d’une alimentation riche en légumes, rôle péjoratif de l’obésité, rôle incertain de la stérilisation) et génétiques (ex : prédisposition du Scottish terrier, du Bergers des Shetland, du Beagle et du West Highland White Terrier).
Quels sont les signes d’appel d’un cancer de la vessie ?
Le tableau clinique initial est peu spécifique, et de nombreuses maladies, plus courantes, peuvent en mimer les signes. Les signes cliniques les plus fréquents incluent une hématurie (sang dans les urines), une dysurie (difficulté à uriner), une pollakiurie (nombreux « petits pipis »).
Comment diagnostiquer un cancer de la vessie ?
Le vétérinaire réalisera un examen clinique complet. Il sera ensuite amené à recommander des examens complémentaires comme une analyse d’urine avec cytologie, la réalisation d’une échographie, un bilan sanguin
Les carcinomes de la vessie du chien ont une forte capacité métastatique (67% des cas). Une fois le diagnostic établi, il est donc important de définir le stade de la maladie, en réalisant un bilan d’extension. Des radiographies des poumons, et éventuellement un scanner, pourront ainsi être recommandés.
Quel est le traitement des cancers de la vessie ?
Le plan de traitement des cancers de la vessie intègre une prise en charge souvent multimodale de la tumeur (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) et des soins de soutien aidant au confort de l’animal (analgésie, rétablissement d’une perméabilité urétrale pour permettre à l’urine de s’évacuer correctement).
Chirurgie
La chirurgie peut être indiquée dans la réalisation d’une exérèse de la tumeur identifiée (exérèse cytoréductive) ou, dans un cadre palliatif strict, afin de restaurer ou de maintenir un flux urinaire adéquat. Elle s’associe à la stratégie thérapeutique des tumeurs situées en dehors du trigone vésical, et ne peut être considérée comme traitement unique, même si elle reste généralement associée à des durées de survie plus importantes (Molnar et al., 2012 ; Robat et al., 2013).
Une étude sur 67 cas de carcinomes des cellules transitionnelles de la vessie pris en charge par chirurgie rapporte un taux d’exérèse complète inférieur à 3 %. D’autre part, même lors d’exérèse complète, les animaux développaient des récidives ou une maladie métastatique dans les mois suivant l’intervention, signe d’un contrôle local inadéquat (Fulkerson et Knapp, 2015).
Plus récemment, une étude a mis en évidence l’intérêt de la cystectomie partielle en association avec un traitement de fond à base de piroxicam lors de tumeur située en dehors du trigone vésicale. Une médiane de survie de 772 jours est alors rapportée (Marvel et al., 2017).
Le respect des dogmes de chirurgie oncologique est capital dans le retrait d’une tumeur vésicale (cystectomie partielle). En effet, le risque de développement d’une carcinomatose de la paroi abdominale est significativement plus important lorsqu’une chirurgie a été réalisée (10,2% vs 1,6%) (Higushi et al., 2013). Référer à un chirurgien spécialiste est recommandé pour une prise en charge de qualité.
La cystectomie complète avec abouchement cutané des uretères est une technique de chirurgie radicale pouvant être applicable chez certains patients, dans le contexte d’une très grande motivation des maitres. Une survie médiane post-traitement de 278 jours est rapportée (Riccardo Huppes et al., 2017).
Médecine interventionnelle
Lors d’envahissement de l’urètre, et en présence d’une dysurie sévère voire d’une anurie consécutive à l’obstruction des voies urinaires, la pose d’un stent urétral par guidage fluoroscopique peut permettre le rétablissement d’une perméabilité suffisante pour assurer une bonne qualité de vie à l’animal.
Cet acte requiert un équipement spécialisé et ne permet qu’un traitement symptomatique, le temps que les traitements anticancéreux agissent de manière optimale. Il peut également être intégré à un plan de soins palliatifs.
Radiothérapie
L’utilisation de la radiothérapie dans la prise en charge des carcinomes urothéliaux est à un tournant important. En effet, les techniques de radiothérapie ont longtemps été exclues de la prise en charge thérapeutique des carcinomes urothéliaux du fait de nombreux effets secondaires à l’irradiation des organes adjacents à la vessie, notamment le colon. Cependant, les techniques de radiothérapie avec modulation d’intensité de doses permettent un couplage de l’imagerie et de l’accélérateur de particules, autorisant une irradiation avec des effets secondaires minimaux (Nolan et al., 2012 ; LaRue, 2013). L’association de l’IMRT (18 à 22 fractions quotidiennes) avec une chimiothérapie à base de mitoxantrone et de piroxicam est actuellement un standard de soins au Flint Animal Cancer Center de l’Université du Colorado, et les résultats préliminaires avancent une médiane de survie de 21 mois.
La curiethérapie à forte dose (HDR), avec l’emploi de sondes spécifiques, peut permettre un contrôle local d’un carcinome urothélial urétral, y compris lors d’obstruction urinaire (Gramer et al., 2014). Elle peut être associée à une radiothérapie mégavoltage (« boost »).
Chimiothérapie conventionnelle
Différents agents anticancéreux ont été évalués dans la prise en charge des TCC chez le chien, notamment le cisplatine, le carboplatine, la mitoxantrone, la doxorubicine et la vinblastine.
La chimiothérapie des carcinomes urothéliaux inclut généralement l’utilisation couplée d’un agent cytotoxique et d’un AINS (piroxicam, firocoxib…).
Une analyse critique de la littérature, basée sur le niveau de preuve, montre que les agents anticancéreux à utiliser en première ligne sont le cisplatine (50-71% de réponse ; Mohammed et al., 2003 ; Knapp et al., 2013), le carboplatine (13-38% de réponse ; Boria et al., 2005 ; Allstadt et al., 2015), la mitoxantrone (8-35% de réponse ; Henry et al., 2003 ; Allstadt et al., 2015), et la vinblastine (taux de réponse 36%, Arnold et al., 2011 ), en association avec un AINS (firocoxib ou piroxicam). L’association vinblastine et piroxicam est associé à un taux de rémission de 58.3%. L’utilisation séquentielle semble cependant associée à une survie plus longue, en comparaison de l’association concomitante des deux molécules (Knapp et al., 2016).
Compte tenu des effets secondaires importants, et de l’obligation de la mise en œuvre d’un protocole de diurèse forcée contraignant, l’usage du cisplatine sera réservé aux centres spécialisés disposant d’une expertise.
Les taux de réponses sont globalement plus faibles avec la doxorubicine (Robat et al., 2013). Cette molécule doit donc être réservée aux protocoles d’échappement.
Chimiothérapie métronomique
L’efficacité d’une chimiothérapie métronomique à base de chlorambucil a été évaluée dans une étude (Schrempp et al., 2013), et peut être une solution de traitement acceptable lorsque les propriétaires refusent les soins en clinique. Un taux de réponse de 3%, associé à une stabilisation de la maladie dans 67% des cas, est rapporté. Ces taux de réponse pourraient potentiellement être améliorés par l’utilisation en parallèle d’un AINS (tel que le piroxicam à la dose de 0,3 mg/kg/j), même si aucune donnée fiable n’a à ce jour été publiée.
Anti-inflammatoire non-stéroïdiens
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent :
- avoir une action anti-tumorale (directe ou indirecte via une limitation de la néoangiogénèse) ;
- aider à lutter contre l’inflammation péri-tumorale, à l’origine d’une certaine part des signes cliniques présentés par l’animal ;
- de limiter les effets secondaires de la chimiothérapie selon certaines études en médecine humaine.
Ils doivent faire partie intégrante de tous les plans thérapeutiques des carcinomes urothéliaux chez le chien, sauf en cas de contre-indication clairement établie (insuffisance rénale, ulcérations digestives majeures, atteintes hépatiques…).
Il est important de garder à l’esprit que tous les AINS n’ont pas la même efficacité dans la lutte contre les TCC. Ainsi:
- le piroxicam (0,3mg/kg q24h) reste l’AINS à utiliser en première intention, avec un taux de rémission de 21% et une survie globale de 244 jours en usage isolé (Knapp et al., 2014). Il s’agit d’un médicament de pharmacie humaine. L’utilisation séquentielle semble préférable selon une étude préliminaire, mais reste à confirmer.
- le firocoxib (5mg/kg q24h) est un AINS homologué chez le chien, pouvant être utilisé en seconde ligne. Un taux de réponse de 20% et une survie globale de 152 jours en usage seul est rapporté.
Soins de soutien
Les soins de soutien sont mis en place pour :
- gérer le douleur cancéreuse : AINS, tramadol (2 à 5mg/kg q8h-12h), voire gabapentine (3 à 10 mg/kg q12h) et biphosphonates (pamidronate, 1 à 2mg/kg q28j ; ou zolendronate 0.25 mg/kg q28j) lors d’identification de métastases osseuses ;
- gérer une cystite bactérienne ou une pyélonéphrite bactérienne secondaire : antibiothérapie ciblée en fonction des résultats de l’antibiogramme, complément alimentaire à base de canneberge pour limiter les réinfections à E. coli ;
- gérer les effets secondaires du traitement mis en œuvre : oméprazole (0,7-1mg/kg q12h-24h)…
Quel est le pronostic des cancers de la vessie ?
Le pronostic des cancers de la vessie chez le chien et le chat dépend de la nature histologique de la tumeur.
Ce pronostic est le mieux documenté lors de carcinome des cellules transitionnelles chez le chien. Ainsi, les facteurs pronostiques identifiés sont :
- l’âge de l’animal : les animaux les plus jeunes semblent avoir une survie plus courte.
- le stade clinique : un carcinome débutant sera globalement de meilleur pronostic qu’un carcinome envahissant, particulièrement si ce dernier entraine une obstruction des voies urinaires. La présence de métastases au niveau des nœuds lymphatiques, l’envahissement de la prostate, et la présence de métastases à distance sont des critères pronostiques négatifs.
- le traitement mis en œuvre :
- Lors de chirurgie couplée à une chimiothérapie à dose maximale tolérée, des médianes de survie de 7 à 15 mois sont rapportées;
- Lors de radiothérapie avec modulation de l’intensité de dose (traitement très spécifique et spécialisé, non disponible en France), une médiane de survie de 22 mois est rapportée;
- Lors de chimiothérapie à dose maximale tolérée associée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, des médianes de survie de 8 à 13 mois sont rapportées;
- Lors de chimiothérapie métronomique à base de chlorambucil, une médiane de survie de 7 mois est rapportée;
- Lors de traitement palliatif à base d’anti-inflammatoire non stéroïdien, les médianes de survie s’étalent de 5 à 8 mois.
N.B. Une médiane de survie correspond au délai dans lequel la moitié des individus d'un échantillon sont décédés, l'autre moitié étant encore vivante. Les chances pour un individu pris au hasard d'être en vie avant que ce délai soit atteint sont donc de 50 %.