Les lymphomes chez le chat
Les lymphomes représentent un ensemble de maladies néoplasiques aux comportements biologiques, et aux prises en charge thérapeutiques variables. Ils représentent le groupe de cancers les plus couramment identifiés en pratique quotidienne (environ 25% de l’ensemble des cancers).
Classifications
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La classification des lymphomes du chat peut se faire selon différents systèmes
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La localisation anatomique : gastro-intestinale (70% des cas), médiastinale, nodale périphérique, extranodale (nasale, laryngeale/trachéale, rénale, nerveuse, cutanée…).
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Le grade histopathologique
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Le type / morphotype, incluant l’immunophénotype
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L’association éventuelle à une rétrovirose (notamment le FeLV, qui est un facteur pronostique péjoratif pour certaines formes de lymphomes).
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Facteurs de risques
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Rétroviroses : FeLV (augmentation directe du risque par 60) et FIV (augmentation indirecte du risque par 5)
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Inflammation : certains types d’inflammation chronique peuvent augmenter le risque de développement de lymphomes, comme cela est très bien établi chez l’Homme dans les formes intestinales
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Immunosuppression : chats sous cyclosporine
Les principaux lymphomes chez le chat
I/ Lymphomes digestifs
Epidémiologie
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Représentant plus de 70% de l’ensemble des lymphomes diagnostiqués chez le chat.
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Age médian de diagnostic oscille entre 10 et 12 ans.
Comportement biologique
Les lymphomes intestinaux se divisent en six entités clinico-morphologiques principales (selon la classification de l’OMS), ayant des pronostics différents :
- Lymphomes T de haut-grade, inclut les formes à moyennes et grandes cellules. Ils représentent 41% des lymphomes alimentaires. Les lymphomes à grands lymphocytes à grains font partie intégrante de cette entité, mais sont associés à un pronostic plus péjoratif (survie à 6mois <7.3%).
- Lymphome T de bas-grade, généralement de bon pronostic à court et moyen terme, qui reste une forme sous-diagnostiquée. Ils représentent 34% des lymphomes alimentaires.
Cependant, il s’agit probablement d’une néoplasie émergente, et certains auteurs avancent une proportion de 60-75% de l’ensemble des lymphomes digestifs chez le chat .
Ces lymphomes peuvent évoluer en lymphomes de haut-grade.
- Des formes digestives de lymphome diffus à grandes cellules B sont également rencontrées dans 20% des lymphomes gastro-intestinaux (mais 64% des lymphomes gastriques).
- Plus rarement, sont rapportés des cas de lymphomes B riches en cellules T, de lymphomes T anaplasiques, de lymphomes de la zone marginale associés au tissus lymphoide MALT.
Approche diagnostique
1/ Face à une suspicion clinique, toujours confirmer l’origine néoplasique, et tenter de déterminer le type (morphotype/immunophénotype) de lymphome intestinal mise en évidence.
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Le diagnostic peut se faire par examens cytologiques et/ou histopathologiques de prélèvements guidés par l’imagerie, endoscopiques, ou chirurgicaux.
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La réalisation de biopsies chirurgicales est à privilégier au détriment des biopsies endoscopiques, car permet une évaluation de l’infiltration sur l’ensemble des couches histologiques de l’intestin, ainsi que des structures extra-intestinales potentiellement atteintes.
2/ Réaliser un bilan d’extension adapté
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Un bilan d’extension conventionnel (échographie abdominale, radiographies du thorax, ponction à l’aiguille fine avec analyse cytologique du nœud lymphatique sentinelle si anormal, du foie et de la rate, myélogramme, et bilan hématologique, biochimique et urinaire de base) est recommandé.
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Une implication de l’iléon entraine fréquemment une hypocobalaminémie. Aussi, une mesure du taux plasmatique de vitamine B12 est recommandée.
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Le statut vis-à-vis du FIV et du FeLV peut être documenté. Bien que ce type de lymphome ne soit pas associé à une infection aux rétrovirus, une séropositivité peut avoir un impact sur le pronostic.
Approche thérapeutique
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Une supplémentation en vitamine B12 (250-500 µg/chat, sous-cutanée, 1 fois par semaines pendant 4 à 6 semaines) est nécessaire en cas d’hypocobalaminémie (>70% des cas).
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Lors de subostruction/obstruction intestinale, une chirurgie avec obtention de marges suffisantes est recommandée. Une chimiothérapie adjuvante est nécessaire.
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Lors de lymphomes de haut-grade, une chimiothérapie multi-agents de type LCOP ou CHOP (associant cyclophosphamide, vincristine, prednisolone, +/- doxorubicine, +/- L-Asparaginase) semble le plus efficace. Aucune différence dans le taux de réponse et la survie globale entre ces 2 types de protocoles n’a été identifiée selon une étude sur plus de 110 cas de lymphomes extra-nodaux chez le chat
La radiothérapie (irradiation demi-corps) peut éventuellement être envisagées dans certaines situations cliniques, une fois la rémission obtenue, afin de prolonger la survie (médiane de survie de 214 jours, après récidives).
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Lors de lymphome de bas grade, la chimiothérapie à la maison associant chlorambucil et prednisolone donne généralement de très bons résultats, avec une médiane de survie de 1.5 à 2 ans, et une excellente qualité de vie.
II/ Lymphome mediastinal
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Envahit le médiastin cranial (thymus / nœuds lymphatiques mediastinaux craniaux / sternaux)
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Souvent associé à un épanchement pleural
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L’infection par le FeLV n’est plus considérée comme un facteur pronostique péjoratif selon une étude rétrospective sur 55 cas (Fabrizio et al., 2014).
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Le facteur pronostique principal est la réponse au traitement, avec des médianes de survie de 484 jours avec une chimiothérapie COP, et de 980 jours chez les chats présentant une réponse complète.
III/ Lymphome nodal périphérique
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Rarement rencontré en pratique, contrairement au chien.
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Peut être la conséquence d ‘un envahissement secondaire d’une forme viscérale profonde ou d’une leucémie. Un bilan d’extension complet (voir ci-dessus) est donc indispensable.
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Forme hodgkin-like décrite chez le chat : adénopathie isolée, généralement cervicale. Comportement biologique plus indolent.
IV/ Lymphome nasal
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Forme extranodale / extradigestive la plus couramment identifiée chez le chat.
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Caractérisée par une infiltration diffuse ou en masse de la cavité nasale (ou des deux), voire des sinus.
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80% sont strictement localisés au système respiratoire supérieur => le traitement est donc strictement local (radiothérapie externe mégavoltage avec lineac), et le pronostic excellent (médiane de survie > 3ans lors de protocoles à visée curative).
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Lors d’atteinte systémique, envisager une chimiothérapie multi-agents de type COP ou CHOP en première intention.
V/ Lymphome renal
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Forme particulièrement, associée à des insuffisances rénales aigues (infiltration souvent bilatérale des reins).
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Associée dans 40-50% des cas à un lymphome du système nerveux central
VI/ Lymphome nerveux
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Représente 30% de l’ensemble des tumeurs intra-cranienne chez le chat .
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Présentation très variable à l’imagerie : Forme solitaire intra- ou extra-axiale, multifocale, diffuse. Touche aussi bien l’encéphale que la moelle épinière. Touche toutes les structures (méninges, paranchyme, plexus nerveux…).
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80% des animaux ont une extension extra-cérébrale / extra-nerveuxe (rénale, nasale, sanguine…)
VII/ Lymphome cutane
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Les lymphomes cutanés sont très rares chez le chat (0.2% à 3% de l’ensemble des lymphomes), sont le plus souvent dermique non épithéliotropes, d’immunophénotype T.
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Forme au site d’injection (zone interscapulaire, flanc, haut des cuisses) décrite, représentée principalement par des DLBCL (lymphome B de haut-grade, diffus à grandes cellules), avec un bilan d’extension positif dans plus de 65% des cas.