Le diagnostic du cancer
Les circonstances de découverte d’un cancer chez nos animaux de compagniet sont nombreuses. Tout symptôme, qui persiste ou s'aggrave malgré les traitements habituels ou qui s'accompagne d'une altération de l'état général, doit être pris au sérieux.
Aucun changement, brusque ou d’installation progressive, de l’état général (poids, activité, comportement …) et aucun signe clinique ne devrait être négligé.
Il est important d’éviter des écueils tels la mise en cause de l’âge pour tout changement observé ou encore penser qu’un petit nodule ne peut être que bénin, et de proscrire l’attitude d’ « attendre et voir », consistant à simplement observer l’évolution d’une anomalie observée (« on n’a jamais éteint un incendie en regardant la maison bruler »).
Adopter une approche proactive, être alerté par tout changement, et consulter son vétérinaire rapidement afin d'établir un diagnostic précoce sont autant de clefs aidant à une prise en charge optimale, et donc à la réussite de tout traitement. C’est pourquoi le rôle du vétérinaire de famille est majeur : la prise en charge qu’il va initier conditionne l’évolution d’une maladie au pronostic souvent grave.
A- Place du dépistage systématique ciblé en médecine vétérinaire
Le dépistage est la mise en œuvre d’examens spécifiques permettant le diagnostic d’un cancer à un stade précoce avant tout symptôme clinique. Actuellement en médecine vétérinaire, il existe très peu de situations où ce dépistage est appliqué.
Des tests génétiques, dont l’exemple le plus avancé concerne l’établissement d’un risque de développement de sarcome histiocytaire chez les Bouviers Bernois, sont actuellement à l’essai ou en développement.
En revanche, le dépistage systématique revêt une importance capitale dans le suivi post-thérapeutique de l’animal atteint de cancer. Ainsi, des visites régulières chez le vétérinaires sont recommandés afin de détecter précocément les récidives.
B- Repérer les signes cliniques du cancer
La présentation clinique d’un animal atteint de cancer peut être plus ou moins évocatrice, allant de signes généraux frustes, comme par exemple un abattement ou une perte d’appétit, à des signes plus caractéristiques, comme la présence d’une masse cutanée ou une polyadénomégalie périphérique (augmentation des "ganglions").
Une attention particulière doit être donnée aux signes cliniques frustes, qui permettent de détecter de manière plus précoce l’éventuelle maladie cancéreuse, et donc d’optimiser les chances de réussite de traitement. Par opposition, les signes cliniques plus spécifiques sont plus souvent le reflet d’un cancer à un stade plus évolué.
Types de signes cliniques lors de cancer
Les manifestations cliniques du cancer peuvent être le reflet direct de la tumeur, ou la conséquence d’un syndrome paranéoplasique.
Les syndromes paranéoplasiques sont de véritables "marqueurs" du cancer qui peuvent révéler la présence d’une tumeur, et qui disparaissent en général avec le traitement curatif de la maladie et réapparaissent en cas de récidive. Ils ne reflètent pas systématiquement la gravité du cancer sous-jacent.
C- Etablir un diagnostic présomptif
Au cours de la consultation en oncologie, le vétérinaire effectue la synthèse des données épidémiologiques, anamnestiques et cliniques, et établis les hypothèses diagnostiques principales, ainsi que les examens complémentaires nécessaires à la confirmation ou l’infirmation de chacune des hypothèses.
D- Etablir un diagnostic de (quasi) certitude
Le diagnostic présomptif sera établi au regard des résultats des différents examens complémentaires, et ne peut pas, à lui seul, servir de base à un traitement à visée curative. En effet, seule la détermination du diagnostic de certitude autorise la mise en oeuvre d’un plan de traitement adapté et l’évaluation du pronostic de la manière la plus juste.
L’établissement du diagnostic présomptif repose dans nombre de situations sur l’examen cytologique de cytoponctions à l’aiguille fine de la lésion observée.
La cytologie consiste à examiner des cellules isolées au cours d'un prélèvement dans des sécrétions naturelles (frottis vaginal, lavage broncho-alvéolaire...) ou au cours de ponction à l'aiguille fine dans une séreuse (épanchement pleural, ascite) ou dans une lésion solide (masse cutanée ou sous-cutanée, foie, rate…). C’est un examen simple, utile pour le diagnostic d’une lésion et pour le dépistage d’autres sites d’infiltration d'un cancer déjà connu, mais il présente des limites :
Attention cependant : les résultats n'ont de valeur que s'ils sont positifs, les cellules malignes ayant pu échapper à un prélèvement qui reste très limité.
Aussi, l’examen histologique est l'acte essentiel que rien ne remplace pour obtenir la certitude du diagnostic (c'est ce que l'on appelle un "Gold standard"). Il comprend l’examen direct de la lésion, suivi de l’examen microscopique. L'examen histologique est réalisé sur un fragment tissulaire, biopsies ou pièces d’exérèse chirurgicale complète. Il permet d'étudier à la fois les anomalies cellulaires et les modifications de structure du tissu.
E- Evaluer l’extension d’un cancer
Une fois le diagnostic de certitude établit, la réalisation d’un inventaire complet de la maladie à la recherche d'une extension locale, régionale et à distance, dans le but de préciser au mieux les indications thérapeutiques, est nécessaire.
Evaluation de l’extension locale
L’extension locale d’un cancer s’évalue en fonction du volume de la tumeur et de ses rapports avec les tissus et/ou organes voisins. La démarche est différente selon la localisation tumorale.
Evaluation de l’extension lymphatique régionale
Les noeuds lymphatiques, ou "ganglions", jouent le rôle de filtres dans l'ensemble de l'organisme (sauf au niveau du système nerveux central). Ils sont souvent le premier endroit où l'on retrouve des métastases. Leur examen inclut une palpation clinique, l'imagerie (échographie, scanner...), la ponction à l'aiguille fine (examen cytologique) et la biopsie (examen histologique).
L'identification du noeud lymphatique sentinelle, c'est à dire le premier noeud lymphatique drainant la tumeur (et donc celui où il existe le plus de risque de détecter des cellules métastatiques), demeure de plus en plus réalisé en pratique. Ce noeud lymphatique peut être identifié par scintigraphie, lymphangioscanner, lymphangiographie ou technique de coloration chirurgicale au bleu de méthylène. Son analyse histopathologique est recommandée dans la prise en charge de plus en plus de cancers, notamment les mastocytomes et les mélanomes.
Recherche de métastases (extension à distance)
Les métastases d’un cancer se définissent comme étant la croissance d'une cellule tumorale à distance du site initial, atteint par voie sanguine ou lymphatique. Le risque métastatique est possible dans toutes les formes de cancers, mais est en fait très variable selon ses localisations et sa nature, définissant son comportement biologique.
Les métastases sont le facteur essentiel de gravité et l'évaluation métastatique à distance va orienter de façon essentielle le choix thérapeutique, notamment entre le choix d’une approche thérapeutique palliative ou à visée curative.
La localisation préférentielle des métastases varie selon les tumeurs pour des raisons de circulation et/ou d'affinité tissulaire. Les quatre sites principaux sont les poumons, le foie, la rate et les l'os.
D’autre part, le système nerveux central est un site de métastases potentiellement sous diagnostiqué, mais dont la fréquentes de diagnostic augmente du fait du développement de l’Imagerie par résonnance magnétique.
La recherche de métastases demande un choix d'examens adaptés; elle se fait, soit de façon systématique car la tumeur primitive expose particulièrement à ce type de métastase (ex : réalisation d’un examen tomodensitométrique de l’ensemble du corps lors d’adénocarcinome mammaire...), soit en présence de signes d'appel orientant vers un organe précis (signes osseux, signes neurologiques, signes hématologiques...).
-- Les poumons restent le premier site de métastases chez le chien et le chat. La recherche de métastases pulmonaires peut se faire soit par examen radiographiques, soit par examen scanner. En médecine vétérinaire, tout comme en médecine humaine, il a été clairement établi de la supériorité de sensibilité de l’examen scanner par rapport à l’examen radiographique dans la recherche de métastases pulmonaires, notamment chez les chiens de grandes races.
-- La recherche de métastases abdominales, notamment hépatique et splénique, nécessite un examen échographique et/ou un examen scanner.
En fonction du diagnostic établi, d'autres sites de métastases (os, moelle osseuse, système nerveux...) pourront être évalués au cours du bilan d'extension.
Autres éléments du bilan pré-thérapeutique
Le diagnostic et le bilan d'extension réalisés, d'autres éléments sont à considérer pour aider dans le choix de traitement et guider la surveillance ultérieure de votre animal.
-- Réalisation d’un bilan sanguin et urinaire complet.
-- Dosage de tout biomarqueur sérique permettant le suivi de la rémission clinique, notamment dans le cas des lymphomes de haut-grade, dosages de la thymidine kinase 1 et de la protéine C-réactive (chez le chien) ou de la SSA (chez le chat).